Au Pays de la tulipe

Pour ce voyage au pays de la tulipe, nous avons eu la chance de pouvoir compter, pour l’organisation sur place, de M. Carlos Scheltema et de son frère Sikko. En effet, c’est lui qui a mis sur pied le programme, qui a effectué les réservations nécessaires et qui a entrepris des reconnaissances approfondies, afin que les membres de l’ASMEM puissent profiter au maximum de ce voyage. C’était réussi et nous lui adressons un chaleureux merci.

Dans tous nos voyages, il s’agit d’intégrer un élément ayant trait aux forces armées d’active, une composante historique et, naturellement, l’élément culturel. Eh bien, nous avons été comblés!

En premier lieu, nous avons visité la base navale active de Den Helder et nous sommes montés à bord de la frégate ‘Amstel’. Etant donné l’intérêt marqué des participants pour la marine et ses engagements, nous avons eu le privilège d’écouter un exposé du chef de la doctrine de la Netherlands Navy.

Ensuite, pour l’histoire, nous avons visité un certain nombre de forts, construits pour la plupart vers la fin du 19ème siècle, qui assurent la défense d’Amsterdam. Certains de ces forts ont été construits en mer et ont donné naissance à des îlots dont les fondements reposent sur des pilotis, comme Pampus et le Fort Ijmuiden.

Enfin, l’élément culturel n’a pas été négligé: visite de la ville fortifiée « à la Vauban » de Naarden, monument classé, de la ville d’Amsterdam en bus et sur les canaux. Nous nous sommes rendus au Sud de Rotterdam, dans la province de la Zélande, dans le but de visiter le barrage anti-tempête sur l’Escaut Oriental, d’une longueur de 9 km. Il s’agit d’un barrage totalisant 3 km en 3 tronçons, chacun des tronçons arrimé à des îles artificielles ou à la rive. Les 15 participants ont apprécié cette prouesse technique inaugurée en 1986 par la Reine Beatrix.

Il s’agissait du 20ème voyage de l’ASMEM sous l’égide de notre Président, le Cdt C Luc Fellay. Me faisant l’interprète des participants, qu’il soit remercié pour tous ces voyages qui nous ont permis de découvrir, d’apprendre et de cultiver l’amitié. Merci Monsieur le Président.

Col EMG Jean-Denis GEINOZ

Contexte historique des Pays-Bas

Les contrastes entre la géographie suisse et celle des Pays-Bas sont immenses. La Suisse est considérée comme une plaine relativement haute entre deux grandes formations de montagnes alors que les Pays-Bas correspondent plutôt à un delta plat, à l’image d’une crêpe. Il n’y a pas de différence en ce qui concerne l’esprit de liberté des deux nations et la ferme volonté de défense de leur territoire respectif. En 1940, les Néerlandais se sont battus pendant cinq jours. Le bombardement du centre historique de la ville de Rotterdam par les Allemands, a contraint les Pays-Bas à capituler. Le bombardement de Rotterdam, qui fit près de 1’000 morts, le chantage des Allemands de bombarder d’autres villes en cas de poursuite de la résistance armée, ont impliqué le dépôt des armes de l’armée des Pays-Bas.

Etonnant pays, entre terre et mer, pour nous qui sommes habitués à avoir les pieds sur terre. Les participants de l’ASMEM sont arrivés à Schiphol, l’aéroport d’Amsterdam; il est situé à 4 mètres en dessous du niveau de la mer. Ce n’est pas parce qu’une grande partie des Pays-Bas se trouve en dessous du niveau de la mer que la défense hollandaise pouvait facilement inonder de vastes terrains pour former une ligne de défense. L’eau des inondations provenait des rivières et canaux et non pas de la mer, mis à part une exception près de Naarden. Le delta (au Sud de Rotterdam) est principalement formé de deux grands cours d’eau, le Rhin et la Meuse avec leurs différents bras qui forment tous ensemble le delta. Ces cours d’eau amènent dans leur lit des matières solides, soit du sable, de l’argile et du gravier.

Les méandres millénaires ont sculpté cette géographie. Ils formaient des terrains marécageux qui s’affaissèrent, tandis que leurs lits d’argile et de pierres restaient stables et se trouvèrent finalement en dessus du niveau des terrains avoisinants. L’homme, en construisant des digues le long des rivières, a pérennisé cette situation. Pour les inondations militaires, les soldats perçaient ces digues dont le niveau de l’eau était difficilement gérable. La problématique de ce type de défense consistait, une fois la menace passée, à procéder à l’assèchement des terrains inondés. Cette opération demandait beaucoup d’énergie et de temps. Les ingénieurs militaires ont, par la suite, développé des systèmes d’écluses dans les digues, qui ont été perfectionnés au cours des siècles pour gérer la profondeur des inondations. La « Waterline » (hauteur de l’eau) idéale devait être de 40 centimètres en moyenne. Un obstacle infranchissable pour les matériels lourds d’une armée, en raison de l’assise marécageuse. De plus, les routes, les fossés et autres obstacles étaient  invisibles, donc autant d’obstacles à la manoeuvre ! Cette faible profondeur de l’eau est insuffisante pour la circulation des bateaux.

Le premier qui eut l’idée de se servir d’inondations pour la défense, fut Maurits, prince d’Orange, à la fin du 16e siècle. La République des Sept Provinces Unies apparaît en 1579 et, seulement alors, il est question de la défense de tout un territoire. La “Hollandse Waterlinie” naît en 1589, allant de la mer intérieure du “Zuiderzee” jusqu’à la rive gauche du bras principal du Rhin, qui devient le Waal et qui change à nouveau de nom en Merwede.

A l’époque napoléonienne, la ligne passant jadis à l’ouest d’Utrecht se déplace et est fixée à l’est de cette ville importante. Depuis ce moment, nous distinguons la “Oude” (ancienne) et la “Nieuwe” (nouvelle) Hollandse Waterlinie, abrégé NHW. Le médecin Krayenhoff en devint le directeur et, sous Louis-Napoléon, pendant quatre ans roi des Pays-Bas, il est nommé ministre de la guerre. Entre 1840 et 1860, quelques tours d’artillerie rondes en maçonnerie sont construites, ainsi que de grands forts polygonaux d’une géométrie exceptionnelle. Les tours en maçonnerie deviennent obsolètes avec l’invention de l’obus brisant. La guerre franco-allemande de 1870-1871 bouleverse les Pays-Bas, comme d’autres pays. Il en résulte la construction d’une série de casemates et de casernes blindées durant la période 1874-1880.

En même temps que l’amélioration de la NHW, à partir de 1874, la ligne de défense circulaire autour d’Amsterdam fut construite. C’est une “Waterlinie” avec un grand nombre de forts, dont deux se trouvent sur une île. L’ASMEM a visité deux îles et le fort Spijkerboor, à Westbeemster (SE d’Alkmaar) avec la seule tourelle blindée à deux canons qui n’ait pas été démantelée par les Allemands durant la 2ème Guerre Mondiale.

Quelques années avant la Deuxième Guerre Mondiale, de petites casemates et surtout des abris pour fantassins sont construits en béton armé partout dans la NHW. En 1939, l’état-major décide de construire une nouvelle ligne de défense plus à l’est que la NHW. Ces travaux auraient dû être terminés en 1941; les Allemands n’ont pas eu la politesse d’attendre…

Carlos SCHELTEMA, Architecte, SG IFC