Article de Pascal Bruchez, extrait de SERVIR, bulletin de l’ASMEM

ESTONIE, VOYAGE D’ÉTUDE 2010

SINIMÄED : MORNE PLAINE

Une trentaine d’ASMEMIENS se sont rendus en Estonie pour un voyage d’étude fort enrichissant, durant le week-end du Jeûne Fédéral.

Nous avons été reçus de manière magistrale par notre ami et collègue, Robert Bühler qui a concocté, avec notre ancien Président Luc Fellay, un programme d’une intensité émotionnelle difficilement égalable. Ce voyage était d’un haut niveau. Je n’ai pas la prétention de vous décrire toutes les étapes de celui-ci, car le bulletin ne suffirait pas. Il y a cependant 4 événements qui ont dépassé le simple cadre d’une visite touristique.

SÉQUENCE SÉRÉNITÉ

En quittant Tallin, le premier jour, nous étions à mille lieues de penser, après un parcours dans une campagne agréablement vallonée, de trouver au milieu de nulle part, les bulbes verts du monastère de Kuremäe. Ce monastère est cerné par une enceinte fortifiée qui protège six églises, dont la principale conserve une riche iconostase et l’icône sacrée de la Dormition de la Vierge. C’est un monastère très vivant où officient des laïcs et une centaine de religieuses. Ce lieu respire une sérénité à laquelle contribue le paysage forestier des alentours. La dernière demeure est prenante, avec un alignement de tombes coiffées de croix en métal, et cela, sur des centaines de mètres.

Nous nous sommes ensuite rendus à Narva, du côté ouest de la ville de Ivangorod, où deux forteresses s’observent face à face. Etonnamment, Narva est, à ce jour, à plus de 90 % russophone. Le régime soviétique a, de manière intentionnelle, procédé à un brassage systématique des peuples, de manière à diluer l’autorité des autochtones et de rendre beaucoup plus difficile une renaissance du sentiment national estonien. C’est peut-être dans ces nouveaux pays que va se jouer la stabilité à long terme de l’Europe.

SÉQUENCE ÉMOTION

De janvier à septembre 1944, la région de Narva va être le théâtre d’une des campagnes les plus meurtrières de la Seconde Guerre mondiale. L’Armée rouge qui avait brisé le siège de Leningrad (St- Petersburg) passe à l’offensive en voulant s’emparer de l’axe de pénétration que représentait l’Estonie, et par là-même, de l’accès aux pays nordiques. La division SS constituée de volontaires étrangers décide de résister à la hauteur du fleuve Narva, sur le terrain clef situé entre la Baltique et le lac Peipsi. Plusieurs assauts sont repoussés.

Au début mars 1944, la ville est pilonnée et quasiment détruite. La division SS résiste et les assauts ne donnent aucun résultat. Hitler prend conscience de la valeur clef de cette ligne de résistance et, 2 mois plus tard, il ordonne que la cité doit être défendue par tous les moyens. Le front est déplacé sur les collines connues sous le nom de SINIMÄED, qui signifie de manière romantique, les « montagnes bleues ». Ce sont 3 collines qui sont apparues par l’effet de la tectonique des plaques et qui dépassent à peine 50 mètres la platitude du paysage alentour. On y retrouva un vrai charnier qui, selon les estimations, aura fait entre 100’000 et 200’000 morts du côté soviétique et 10’000 morts au niveau des divisions SS. Tout cela en moins de 2 semaines. Impressionnant !!! La zone est encore pleine de « souvenirs » qui jaillissent au gré des années. Un musée rassemble les restes de ces moments dramatiques et héroïques.

SÉQUENCE HUMORISTORIQUE

Nous sortions d’un restaurant. C’est alors qu’un authentique soldat soviétique nous invite à monter dans 2 bus des années 70, pour une visite réservée «à nos camarades de l’ouest, pour mieux comprendre comment il fait bon vivre sous domination Kremlin». Quelques kilomètres plus tard, notre petite bande d’ASMEMIENS est mise à contribution pour pousser ces magnifiques antiquités qui sont tombées, comme à l’époque,… en panne.

Une promenade pleine d’humour, mais également pleine d’émotion.

A l’arrivée à la prison de la période stalinienne, c’est le silence qui envahit notre groupe. Ce que nous avons vu, était terrible. Les conditions de détention dépassent l’imagination. Ce lieu est une vraie machine de soumission à l’attention des prisonniers. Ce témoin de la guerre froide devrait être détruit prochainement, faute de moyens financiers pour le maintenir. Peut-être également parce que dans ce pays en partie russophone, le réveil par la mémoire des atrocités passées n’est pas du goût de tout le monde.

Notre groupe a des talents cachés. Dans les salons de réceptions du parti soviétique, nous avons entonné en russe ancien la mythique chanson qui a fait connaître les choeurs de l’Armée rouge. Il s’agit de Kalinka. La qualité musicale dépassa toutes les attentes. En ce qui concerne la chorégraphie, un réel effort doit encore être fourni !

SÉQUENCE MODERNITÉ

C’est à Tapa, au Centre d’instruction de l’armée estonienne, que nous avons assisté, après un exposé sur les forces estoniennes modernes, à une démonstration de soldats spécialisés dans le déminage. Le robot télécommandé a soulevé bien des discussions, et les propos de nos hôtes ont été à la hauteur de nos espérances.

Le voyage était parfait. L’Estonie est vraiment un pays fantastique.

Merci aux organisateurs.

On y reviendra… à bientôt

Col Pascal BRUCHEZ